samedi 12 mai 2012

"FAIRE L'AMOUR A LA MORT" (Les Pamphlets Vol.14 Errances et Irrévérences)


Y’a des mots que tu traînes
Tout au fond de ta haine
Y’a des mots qu’ils t’apprennent
Et d’autres qu’ils te prennent
On t’apprend à sourire
Quand tu voudrais chialer
On t’apprend à mentir
Quand y’a d’ la vérité

Y’a qu’ des cibles mourantes
Sur des grilles mouvantes
Y’a tant d’ mond’ qui serpente
Pour remonter la pente
Que tout glisse des doigts
Et tout se paralyse
Les sanglots dans la voix
Et les mots qui se brisent

Y’a tant d’aliénation
Qu’on perd tous le contrôle
On crèv’ dans d’ la fiction
Mais y’a pas d’ premier rôle
On nous a tant appris
A prendre un parti pris
Qu’on s’ retrouve accroupis
Comm’ des cons incompris

Y’a rien d’autr’ qu’un’ crevasse
Quoi qu’on dise ou qu’on fasse
On s’est tell’ment fait d’ crasses
Qu’on s’ voit plus dans la glace
On s’est si peu fait d’ place
Qu’on étouff’ tous en masse
A chacun son espace
HLM ou palace

Y’a tell’ment de paumés
Qui se fout’nt d’être en vie
Qui font des graffitis
Et reçoiv’nt des pavés
Y’a tell’ment de morsures
Qui sculptent leur venin
Dans ton coeur et le mien
Que tout devient impur

Y’a tell’ment de noirceur
Sur mes vitres funèbres
Que le soleil se meurt
Au-dessus des ténèbres
Y’a bien trop de grimaces
Sur les routes fidèles
Pour que demain je passe
Au coin de ta ruelle

Y’a toujours un désir
Qui fait perdre la tête
Mais t’as pas à choisir
T’es piégé comme un’ bête
Y’a plus rien à atteindre
Sauf si tout ça s’arrête
Et je cess’rai de geindre
Comm’ le fait la planète

Je tiendrai si tu veux
Fair’ l’amour à la mort
Et je tuerai tous ceux
Qui te viol’ront encore
Je viendrai si tu peux
Fair’ l’amour à la mort
Et si je suis la mort
J’aimerai tout ton corps

Y’a des pas dans la rue
Qui font fuir les passants
Y’a des gueul’s d’inconnus
Qui revienn’nt pas souvent
Y’a des cris de violons
Qui agrippent aux oreilles
Y’a des coups de canons
Qui nous mettent en bouteille

Y’a des grinc’ments de dents
Qui fourmill’nt sous la pierre
Y’a des jours d’enterr’ment
Qui s’ finissent à la bière
Y’a des poètes éteints
Qui brillent dans tes yeux
Y’a des hivers sans fin
Qui te réchauffent un peu

Je vid’rai dans ton pieu
Mes soupirs absolus
Mes derniers jours heureux
Et mes matins perdus
Je grandirai ma joie
Au sommet de ton âme
Je deviendrai ta came
Et ton cancer au foie

Je dépos’rai ma moelle
Aux pieds de ton armure
Je déploierai ton voile
Aux portes de Saumur
Je quitt’rai mes geôliers
Je tuerai ma monture
Je chevauch’rai à pieds
Par goût de l’aventure

Y’a des esprits fanés
Qui attend’nt leur revanche
Y’a des gosses à l’armée
Qui rêvent de tes hanches
Y’a des clébards en rut
Qui d’viennent aveugles et sourds
Y’a qu’ les macs et les putes
Qui n’ sont plus à la bourre

Y’a des vieillards qui rouillent
De bistrots en sex-shop
Y’a des bleus en patrouille
Mais y’a plus d’ Pénélope
Y’a des raz-de-marée
Qui dévastent ton ventre
Des foetus écoeurés
Qui voudraient qu’on les rentre

Y’a des souv’nirs fragiles
Qu’on aim’rait prolonger
Mais on vit dans la ville
Qui nous fait replonger
Y’a des silences riches
Qui résonnent en nous-mêmes
Qui nous dis’nt: « T’es pas chiche
D’aimer plus que l’on t’aime »

Je tiendrai si tu veux
Fair’ l’amour à la mort
Et je tuerai tous ceux
Qui te viol’ront encore
Je viendrai si tu peux
Fair’ l’amour à la mort
Et si je suis la mort
J’aimerai tout ton corps.
                                                                                                      
                           
          Le 02/02/85.
                           Pascal GERMANAUD

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